Roman du Renart - []


. . 1935.


7.

Roman du Renart.1

<1> Seigneur vous avez oui maint conte
Que maint conteur vous raconte
Comme Paris ravit Helène
Les maux qu’il en eu et la peine
<5> De Tristan qui fit la chevre
Qui en dit assez bellement
Et fables et chansons de gestes.
Roman du loup et de la bête
Maint autre conte par la terre.
<10> Mais jamais n’ouïtes la guerre
dont               la
Qui tant dura [de] grande issue
Entre Renard et Isangrin
Qui moult dura et bien fut dure
___ C’etoit pure guerre de deux barons
<15> Onques ils ne s’entr’aimerent jor
Mainte mêllé et maint combat
Eut lieu entre eux. C’est vrai:
Des apresent je comenceroi l’histoire.
Et de la noise et de la dispute
<20> Apresent entendrez le comencement
Par quoi et par quel mesentendu
Eut entre eux la defiance
Or écoutez si ça ne vous enuit
Je vous conterrai par déduit
<25> Comment ils vinrent en avant
et                  lisant
Comme j[e] [l]’ai trouvé [lisant]
Qui fut renard & Isangrin.
Jadis je trouvai en un écrin
Un livre, ayant nom Aucupre.
___                                      dit
<30> Là je trouvai maint[e] [reason]
De Renard & d’autre chose
Dont j’ôse et doit en parler.
En                 science, livre rouge
[Et] une grant letre vermeille
à je trouvai mainte merveille                              un
<35> Si je ne l’eu trouvé en livre
J’eus tenu pour ivre celui
Qui diroit avoir eu telle aventure
Mais j’en dois croire l’écriture
En [Et] desoneur meurt à bon droit
<40> Celui qui n’aime livres ni n’y croit. Aucupre dit en ce livre (letre)                                clui
(Bien assisté de Dieux qui la fit metre)
Comme Dieu eut de Paradis
___ Adam et Eve dehors mis
<45> Pour avoir outrepassé
Ce qu’il leur avoit comandé
et
Pitié l’en prit [qu] il leur donna
et
Une verge, [qu’] il leur montra que
Quand il n’auroient met<i>er de rien
la mer
<50> De cette verge fraperoit.
Adam tint la verge en sa main,
En mer ferit devant Evain
Sitôt comme en mer il ferit
Une brebis fors en saillit
<55> Lors dit Adam: dame, prenez
Cette brebis et la gardez;
Tant nous donera lait & fromage,
Assez en aurons compagnage.
___ Eve en son coeur pensoit
<60> Que si elle encore une avoit
Plus belle seroit la compagnie.
Elle saisit tôt la verge
En la mer frapa roidement:
Un loup en saute, une brebis prend
A
<65> Grand’allure et grand gallop
S’en va le loup fuyant au bois
Quand Eve vit qu’elle a perdue
Sa brebis, elle s’en fache,
Brait et crie: Ha Ha Ha!
<70> Adam a repris la verge
En sa mer frappe par depit,
Un chien en saute hâtivement.
Quand il vit le loup, il courut
Pour la brebis qu’il veut reprendre
<75> Il la redemande: tres contre son envie
Le loup lui laisse la brebis;
Si ne l’eu pas fait demain
S’il la tenoit ni au bois ni dans la plain
Pour ce que le loup eut mesfait
<80> Il s’enfouit au bois tout honteux. Quand Adam eut son chien et sa bête, Et en eut grand joie & grand fête
Ces deux bêtes ne purent vivre
Ni durer bien longuement
Si
<85> [S’il] elles n’étoient avec gent.
Les bêtes ne savoit pas penser,
Et mieux ne savoit se conserver.
Toute les fois qu’Adam frapoit
En la mer une bête en sortoit
<90> Cette bête se retenoit
Quelle que fut, et s’aprivoisoit
Celle qu’Eve fit sortir
onqus__
Elle ne put √ retenir.
Si tôt que de la mer sortoient
<95> Ils alloit au bois après le loup
Les Evains assauvagissoient
Et les Adams aprivoisoient
Entre autres en sortit
Le Gorpil, s[’] assauvagit
<100> Roux eut le poil, come Renard
Fut tres gentil, rusé et gaingnard.
Par son esprit [toutes] trompoient
Toutes bêtes qu’il trouvoit.
Le Gorpil nous signifie
<105> Renard qui soit tant de métier
Tout ceux qui sont gens d’engin & d’art
les
Sont depuis appel[oit] Renard.
Pour Renard et le Gorpil
Souvent seront cil & cil
<110> Le Renard soit gens conspuer
Le Gorpil bêtes enguener.
Beaucoup furent d’un même lignage
Et de mêmes moeurs, et de coeur.
pareillement
Tout [aisement] d’autre part
<115> Iz.<angrin> l’Oncle de renard
brigands
Fut, sachez le, grand [voleur]
voleur de de
Et nuit et jour
ressamble au
Celui-ci [signifia] lou
Qui vola les brebis d’Adam
<120> Tout ceux qui savent bien [voler]
Et de nuit & de jour piller,
Sont à bon droit dit Iz.<angrin>
___                                             même
Ceux-la furent tous deux d’un lignage
D’un même pensé<e>, d’un même cour
<125> Furent tous larrons du même âge,
Et on appelle Iz.<angrin>
Le loup pour cette raison.
Dame Hersent signifie
La louve qui est si haïe
<130> Que si elle est avide depillage
Bien lui peut Hersent ressembler.

Cette Hersent la lentilleuse
Qui est femme et épouse d’Iz.<angrin>
Ressemble à
[Signifie] la Gorpille
<135> Car moult sait d’artifice & de carnage
Ainsi
[Car si] l’une est maitresse aboyeuse
L’autre mettresse gourmande<use> Toutes deux furent bien d’un même coeur
De l’une l’autre soeur.
<140> Richout la femme Renard
Pour le grand engin & l’art
Est dite la Gorpille Richout,
Si l’une est chatte, l’autre est mite.
ressemble
Et l’une est l’autre [signifie]
A beaucoup
<145> [Beaucoup] en [si] bonne compagnie
Les quatre furent bien assemblés
tels
Cinq ne furen jamais       trouvés
Si Iz.<angrin> est maitre Larron
est aussi
[Aussi est] le roux fort voleur
<150> Si Richout est aboyeuse,
La Gorpille est fort luxurieuse.
Pour ce qu’étoient d’un même train
Etoit renard neveu d’Iz.<angrin>
Parcequ’il s’entre’aimoient
<155> Et qu’ensemble souvent alloient
Si parfaitement come, je vou dit,
Sont entre’eux parents et amis
Ne s’apartenoient pas autrement
Si mes bons livres ne me ment
<160> Parceque le Gorpil disoit
Quand il alloit avec le loup
Bel oncle, que voulez vous faire.

, 18281833 ., . 832882 (. , . 2425,  43). .

. , «» .

« » («Le Roman de Renard»). (, , ) XII , . 1794 . - «-». XIX . 1826 . , 1832 . ( ) «», .

25 182 . «-» «Orlando Furioso», «», «-», «», . « »2 (183 .): « ». : « ( ) , -“».

, . . . « » :

1)  1324 1826 .

2)  1310 «Le Renard ou le Procès des Animaux» 1803 ( ).

3)  1325 , , P. Chabaille, 1835.3

. , , 21 1835 . 13 «Roman du Renard» in 8o.4 ,  1325 , ( 1324) . . , , . , (, 48), ( 56, 5354 .).

( I, . 128) 165 .5

ROMAN DU RENART
C’EST DE BRANCHE DE RENART ET D’YSENGRIN COM IL ISSIRENT
DE LA MER

Seignor, oï avez maint conte
Que maint conteres vos aconte,
Coment Paris ravi Helayne,
Les max qu’il en ot et la paine,
De Tristram qui la chievre fist,
Qui assez belement en dist
Et fables et chançons de gestes:
Romanz du leu et de la beste
Maint autre conte par la terre;

Mais onques n’oïstes la guerre
Qui tant fut dure de grant fin
Entre Renart et Ysengrin,
Qui moult dura et moult fu dure.
Des deus barons ce est la pure,
Onques ne s’entr’amerent jor,
Mainte mellée et maint estor.

EPISODE DU ROMAN DE TRISTAN,
SUR LEQUEL MARIE DE FRANCE A FAIT UN LAI

Ot entr’aus deus, ce est la voire:
Dès or comencerai l’estoire
Et de la noise et du content.
Or orrez le commencement
Par qoi et par quel mesestance
Fut entre eus deus la deffiance.
Or oez, si ne vos anuit,
Je vos conteré par déduit
Comment il vindrent en avant,
Si con je l’ai trouvé lisant,
Qui fu Renart et Ysengrin.
Je trouvai jà en un escrin
Un livre, Aucupre avoit à non:
Là trovai-je mainte reson
Et de Renart et d’autre chose
Don’t l’en doit bien parler et ose.
A une grant letre vermoille
Là trovai-je mainte mervoille;
Se je ne la trovasse el livre,
Je tenisse celui por yvre
Qui dite éust tele aventure;
Mès l’en doit croire l’escripture.
A dessenor muert à bon droit.
Qui n’aime livre ne ne croi.
Aucupre dist en cele letre
(Bien ait de Diex qui li fist metre!)
Come Diex ot de paradis
Et Adam et Evain fors mis
Por ce qu’il orent trespassé
Ce qu’il lor avoit commandé.
Pitié l’emprist, si lor dona
Une verge, si lor mostra

Qant il de riens mestier auroient,
De cete verge en mer ferroient.
Adam tint la verge en sa main,
En mer feri devant Evain:
Sitoit conen la mer feri,
Une brebis fors en sailli.
Lors dist Adam, dame prener
Ceste brebiz, si la gardez:
Tant nos donra let et fromage,
Assez i aurons compenage.
Evain en son cuer porpensoit
Que s’ele encor une en avoit.
Plus belle estroit la conpaignie.
Ele a la verge tost saisie,
En la mer feri roidement:
Un Leus en saut, la brebis prent,
Grant aléure et granz galos
S’en va li Leus fuiant au bos.
Quant Eve vit qu’ele a perdue
Sa brebiz, s’ele n’a aïue,
Bret et crie forment, ha! ha!
Adam la verge reprise a,
En la mer fiert par mautalent,
Un chien en saut hastivement.
Quant vit le Leu, si lesse corri
Por la brebiz qu’il velt rescorre.
Il li resquest: moult à enviz
L’a laissé li Leus la brebiz;
Si feroit-il encor demain
S’il la tenoit n’à bois n’à plaïn.
Por ce que mesfet ot li Leus,
Au bois s’en foui tot honteus.
Quant Adam ot son chien et sa beste
Si en ot grant joie et grant feste.
Selonc la centence del livre
Ses deus bestes ne puent vivre
Ne durer mie longement,
S’eles n’estoient avec gent.
Ne savez beste porpenser
Miex ne s’en puisse consiévrer
Toutes les foiz c’Adam feri
En la mer, que beste en issi.
Cele beste si retenoient.
Quele que fust, et aprivoient

Cele que Eve en fist issir,
Ne pot-il onques retenir;
Sitost con de la mer issoient,
Après le Leu au bois aloient,
Les Evain assauvagisoient,
Et les Adam aprivoisoient.
Entre les autres en issi
Le Gorpil, si asauvagi.
Rous ot le poil conme Renart
Moult par fu cointes et gaingnart:
Par son sens toutes decevoit
Les bestes qanq’il en trovoit.
Icil Gorpil nos senefie
Renart qui tant sot de mestrie:
Tot cil qui sont d’engin et d’art
Sont mès tuit apelé Renart.
Por Renart et por le Gorpil
Moult par sorent et cil et cil.
Se Renart set gens conchier
Le Gorpil bestes engingnier
Moult par furent bien d’un lignage
Et d’unes meurs et d’un corage,
Tot ensement de l’autre part
Ysengrin li oncles Renart,
Eu, ce sachiez, moul fort roberre,
Et par nuit et par jour fort lerre.
Icelui Leu senefia,
Qui les berbiz Adam roba,
Tot cil qui sorent bien rober,
Et par nuit et par jor embler
Sont bien à droit dit Ysengrin.
Cist furent bien endui d’un lin,
Et d’un pansé et d’un coraje,
Larron furent tuit d’un aage,
Et Ysengrin apele-l’on
Le Leu par iceste acoison
Dame Hersent resenefie
La louve qui si est haïe
Que si par est aigre d’anbler
Bien puet cele Hersent senbler.
Cele Hersent la lentilleuse,
Qui fame ert Ysengrin espeuse,
La Gorpille le senefie,
Car moult set d’art et de murtrie;

Se l’une iert mestre abaeresse,
Et autre mestre lecharesse,
Moult firent bien les deux d’un cuer,
L’une fu l’autre..... suer
Por Richout la fame Renart
Por le grant engin et por l’art
Est la Gorpille Richeut dite,
Je l’une est chate, l’autre est mite.
Moult a ci bone conpaignie,
Et l’une et l’autre senefie.
Cist quarte furent bien asanblé,
Cinz ne furent mès tel trové.
Se Ysengrin est mestre lerre,
Aussi est li rous forz roberre:
Si Richeuz est abaieresse,
La Gorpille est fort lecharesse.
Por ce qu’erent si d’un train,
Estoit Renart niés Ysengrin;
Por ce que si bien s’entr’amoient.
Et qu’ansanble sovent aloient,
Li Leus dou Gorpie fait neveu,
Et li Gorpiz oncles dou Leu,
Si faitement con je vos di,
Sont entre eus parent et amis,
Ne s’apartienent autrement,
Por ce que le Gorpil disoit,
Quant il avec le Leu aloit,
Biaus oncles, que volez-vos fere?

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(«C’est la branche de Renart et d’Isengrin com il issirent de la mer») , (branche) ( ), Pierre de Saint-Cloud ( , «le charmant poëme de Jean Wolfgang Goethe», p. XI).9

( 20- ; 20- ), «Aucupre», , , , . , . . , , . Gorpil , Isengrin , Hersent . ( 748 162).

:

Seignor, oï avez maint conte
Que maint conteres vos aconte,
Coment Paris ravi Helayne,
Les max qu’il en ot et la paine.
De Tristram qui la chievre fist,
Qui assez belement en dist...

etc.

:

Seigneur vous avez oui maint conte
Que maint conteur vous raconte
Comme Paris ravit Helène
Les maux qu’il en eu et la peine
De Tristan qui fit la chevre
Qui en dit assez bellement

etc.

. , , , , , , , «» .

( 359402) «Glossaire des mots hors d’usage» (« »). :

1. (seignor seigneur, conteres conteur, leu loup, grant grand, escrin écrin).

2. (onques jamais, or apresent, estor histoire, fist issir fit sortir (92), sens esprit (103), ensement pareillement.

3. : Evain Eve (44), Renard Renart, Les Evain Les Adam Les Evains Les Adams (9596).

4. :

livre (letre) (41) «letre» «livre», «letre», , , «livres»; «toutes» (103) , ; «Fort roberre» (116) «grand voleur», «brigands» (. ); «senefia» (118119) «signifia», «ressembla au» (. 134, 144); «rober» (120121) «voler» .

5. :

83 :

Selons la sentence del livre

(157158)

Li Leus dou Gorpil fait neveu
Et li Gorpil oncles dou Leu.

, , .

: onques; «deduit» (24); «jor» ( jour), 15, (121122); «comment» (25); «fors» (54).

26: «lisant» .

140 ( : «Il y a ici un mot illisible») .

132 , Hersent «la lenlilleuse». , ( ) « » (. ).

144 («et» «est»).

( ) .

, « », « », « , , » (. . ).

, . , . , .

( .  .  . . . ) . , , :

De Tristram qui la chievre fist.

, , de Tristan qui fit la chèvre, , . , . .  . . , , , chèvre chèvrefeuille , lai du chèvrefeuille. qui que, , la Chièvre ( ) li Kievre , . 5 .

, , , , . , dont tant dura la grande issue; assez en aurons compagnage . ., , . : jor, letre, fors, brait. :

14.  C’etoit pure guerre de deux barons
77.  il ne l’eut pas fait demain
86.  Les betes ne savoit pas penser

, , , . . ( accents, , , . .), . . , : très contre son envie.

.

, , .

1 ; ; ; .

2 : « ».

3 IXX, 320, 323; , χ .  . . - ( . . ). . . .

4 XIII, 114.

5 . 172 (6- ).

6 , . , . , .

7 , , , .

8 .

9 «Roman du Renart» . Sourd, Potyin Rothe, E. Martin.